Une trop forte consommation protéique en une prise (ou en un repas), c'est à dire au-delà de 50 gr (sauf si les protéines ingérées ont un degré d’assimilation très rapide), sera néfaste à la vitesse digestive, perturbera la flore intestinale, et accentuera la toxicité de l’organisme. Il est donc inutile de se gaver de protéines, d'autant plus que la libération d’acides aminés dans le sang n’en sera pas démultipliée, car le pool d’enzymes protéases présent dans les intestins sera insuffisant pour traiter une telle charge de travail. Pour optimiser la Surcompensation musculaire il est plutôt conseillé d’enchaîner des petits repas espacés de 3-4 heures, avec pour chacun d’entre eux une ration protéinée de 25 à 35 gr (en moyenne).
Un taux sérique fortement excédentaire en aminoacides (sur-aminoacidémie), résultant de repas trop riches en protéines ainsi qu’à une complétude déséquilibrée en acides aminés, sera néfaste à votre foie, vos reins, et vos articulations. Une fois lancée dans le torrent circulatoire sanguin, une partie des aminoacides excédentaires s’y fera dégrader (car non utilisés par les cellules), le reste reviendra vers le foie, s’y ajoutant à la déjà forte présence d’acides aminés due à un repas trop protéiné. Le foie ayant pour fonction, entre autres, d’éliminer les aminoacides "excédentaires", il va les dégrader pour se fournir en énergie (= destinée métabolique des acides aminés), mais aussi pour former d’autres composants. Mais que cette dégradation soit effectuée dans le foie (ce qui est majoritairement le cas), ou dans les muscles (principal pool corporel d’aminoacides), elle engendrera de l’ammoniac (NH3), un déchet dont l’acidité est toxique pour l’organisme et qui devra donc en être évacué afin d’y préserver un bon équilibre acido-basique.
La dégradation d’un acide aminé
Un aminoacide dégradé va perdre son groupement α-amine, reste donc le squelette carboné (α-cétoacide). Ce dernier peut soit servir à la synthèse d’un nouvel acide aminé (en acceptant un autre groupement α-amine), ou soit servir de précurseur à la néoglucogenèse (si ce α-cétoacide provient d’un aminoacide glucoformateur) et à la cétogenèse (si ce α-cétoacide provient d’un aminoacide cétoformateur). Les nombreux intermédiaires issus de la dégradation d’un squelette carboné servent au final de précurseurs énergétiques (formation d’ATP). Pour plus de détails sur les processus néoglucogenèse et cétogenèse je vous invite à lire les rubriques abordant le métabolisme des glucides et des lipides.
Quant au groupement α-amine, il est transféré à un α-cétoglutarate générant ainsi du glutamate, c’est la voie de transamination (effet des enzymes transaminases, également appelés aminotransférases). Sous l’effet de l’enzyme glutamate-déshydrogénase le glutamate sera séparé en α-cétoglutarate et en groupement α-amine NH3 (l’ammoniac, comportant de l’azote), c’est la voie de désamination oxydative (qui au passage produit des molécules réduites d’énergie NADH,H).
L’ammoniac présent dans le sang est pris en charge par l’aminoacide glutamine (effet enzymatique glutamine synthétase qui fixe un NH3 à un glutamate), ce dernier va le transporter jusqu’aux reins et jusqu’au foie. Au niveau rénal, sous l’effet de l’enzyme glutaminase et d’une molécule d’eau la glutamine se fait scindée en glutamate et ion ammonium NH4+ (NH3 se fait protoner pour devenir NH4+), c’est la voie de l’ammoniogénèse. L’ammonium partira ensuite dans les urines afin d’être excrété. Au niveau hépatique, là aussi la glutamine va larguer son NH3 pour engendrer des ions ammonium, c’est la voie de l’uréogenèse (bien plus sollicitée que l’ammoniogenèse). Le NH4+ va entrer dans le cycle de l’urée, il s'agit là d'un processus hépatique engendrant un composé organique appelé urée. Cette dernière sera ensuite rejetée dans le sang, puis filtrée au niveau rénal pour ensuite être excrétée de l’organisme via l’urine.
Reins et foie sont des organes ayant une fonction détoxifiante de premier plan, ils nettoient le sang de ses excès et de ses déchets. Ces derniers seront par la suite évacués de l’organisme, principalement via les urines (cheminement post-rénal par l’uretère, la vessie, puis l’urètre). Mais quotidiennement, dans le cas d'une trop grande production d’ammoniac le cycle de l’urée sera sur-sollicité, c'est là un phénomène préjudiciable pour la santé du foie. Une défaillance hépatique peut alors s’installer et ainsi limiter les capacités détoxifiantes du foie. Les taux sanguins en ammoniac peuvent par conséquence s’élever anormalement (hyperammoniémie), ce qui portera préjudice à la santé de l'organisme, et plus particulièrement à la santé du cerveau (encéphalopathie hépatique).
Quant aux reins, leurs capacités filtrantes ont bien évidemment leurs limites. Un excès de déchets induira une surcharge de travail pour les reins, et comme ces organes se fatiguent très rapidement ils perdront donc leur efficacité filtrante. À moyen et long terme une telle sur-sollicitation engendrera de l’insuffisance rénale (altération du système de filtration glomérulaire, mais aussi de la fonction tubulaire et endocrine rénale). Un des moyens fiables pour déterminer si l’organisme subit une insuffisance rénale est de mesurer biologiquement la concentration de déchets dans le sang, le taux de créatinine étant une bonne référence (il s’agit d’un déchet musculaire issu de la dégradation de la phosphocréatine). Voici ci-dessous les conséquences d’une altération fonctionnelle rénale :
Une baisse des capacités filtrantes engendre un taux anormalement élevé d’urée dans le sang (urémie), entrainant fatigue, faiblesse, et essoufflement.
Une filtration rénale amoindrie provoque également un excès d’acide urique dans le sang, à savoir une hyperuricémie (les intestins n’évacuent que 30 % de l’acide urique produite) : cet acide provient de la dégradation des purines, des éléments issus de l’alimentation (protéines animales notamment), et d’élément cellulaires nucléotides. Dans l’organisme 98 % de l’acide urique est présente sous forme d’urate de sodium (la forme ionisée de l’acide urique) afin de la rendre plus soluble. Plus le milieu d’un fluide (plasma et urine) est alcalin, plus l’urate de sodium devient soluble. Une hyperuricémie peut entraîner une cristallisation d’urate de sodium, formant ainsi des cristaux. Ces derniers ont la fâcheuse tendance à se loger dans le liquide synovial des articulations, engendrant ainsi de l’arthrite (la goutte). Les cristaux d’urate de sodium peuvent également se former dans la circulation rénale, engendrant alors des lithiases rénales et urinaires (10% des cas de calculs).
Par ailleurs, une hyperuricémie induit une baisse du pH plasmatique, ce qui ralentit l’activité enzymatique et rend l’organisme plus vulnérable aux maladies. Pour contrer cette baisse du pH l’organisme va orienter vers le sang davantage de minéraux alcalins (calcium, sodium, potassium, magnésium, fer…). Mais ceci n’est pas sans conséquences, car pour conserver une juste distribution de ces minéraux dans l’ensemble du corps l’organisme va opérer un véritable pillage minéral dans différents éléments de notre anatomie (= déminéralisation). Ainsi, les dents se retrouveront moins armées face aux caries, et les os manifesteront plus facilement de l’ostéoporose. Plus le plasma lutte pour maintenir son équilibre acido-basique, et plus l’alimentation est pauvre en minéraux alcalins, plus cette déminéralisation s’accentuera (un processus imputable à toutes d’hyper-acidoses sanguines). Des flux importants de calcium et de sodium s’échappant des tissus peuvent au passage encrasser les organes, les articulations, et le système circulatoire sanguin, formant à la longue des dépôts de type calcul, sclérose, ou encore calcification.
L’insuffisance rénale entraîne de l’ostéodystrophie, de par une diminution de la production de calcitrol, une hormone chargée de maintenir des taux sanguins adaptés en phosphate, calcium, et vitamine D.
L’insuffisance rénale engendre aussi de l’anémie (baisse du nombre de globules rouges), suite à une moindre production rénale d’hormone EPO.
Une glomérulonéphrite et une insuffisance rénale engendrent une hypo-osmolalité et un bilan d’eau positif, causés notamment par une diminution de la charge filtrée en sodium. Cette hyperhydratation intra et extra cellulaire favorise la rétention d’eau et les œdèmes.
Une insuffisance rénale peut s’accompagner d’un rétrécissement de l’artère rénale, couplée à une baisse de la pression en aval de celle-ci. En réaction les reins vont surproduire de la rénine (également appelée angiotensinogénase), une enzyme qui va accroître directement et indirectement les concentrations plasmatiques d’hormones angiotensine (un puissant vasoconstricteur) et aldostérone (qui accroît la concentration de sodium dans le plasma, donc élève la pression sanguine). En conséquence, de trop fortes sécrétions de rénine conduisent à de l’hypertension artérielle.
Boire beaucoup d'eau limitera la concentration minérale dans les reins, et permettra une meilleure dilution des urines, limitant ainsi le risque de calculs rénaux et urinaires. Cependant, si l’insuffisance rénale est déjà installée, un apport hydrique trop important peut être néfaste pour la santé (rétention d’eau, hyponatrémie, œdèmes, hypertension), car des reins diminués auront un potentiel d’excrétion hydrique davantage limité.
Dans le cas d’une hyperuricémie il est conseillé de boire de l’eau alcanisante (bicarbonatée), mais pas trop dosée en sodium. La propriété alcaline du bicarbonate va rééquilibrer le pH sanguin en contrecarrant l’action acidifiante de l’acide urique, la rendant ainsi plus soluble et plus facilement évacuable, ce qui limitera la formation de cristaux d’urate. Les personnes à pathologies rénales, cardiaques, ou faisant de d’hypertension artérielle, doivent choisir une eau bicarbonatée faiblement concentrée en sodium (Salvetat ou Perrier par exemple).
Comme nous l'avons vu dans cet article, il est inutile, mais également dangereux, d’inonder son organisme de protéines. Il convient plutôt de réguler vos apports protéiques selon la nature et l’intensité de votre activité physique journalière. Il sera également plus judicieux d’optimiser sa stratégie diététique en privilégiant la qualité des protéines plutôt que la quantité, ceci afin que les aminoacides distribués dans le sang soient captés et utilisés efficacement par les cellules, optimisant ainsi la protéosynthèse (et notamment l’anabolisme musculaire, chez les sportifs).