Les substrats glucidiques constituent la source d’énergie privilégiée de notre organisme. Ils sont rapidement oxydables, et l’hydrolysation du total des ATP (molécules énergétiques) issue d’1 gr de glucose dégradé libère 14 Kilos joules (soit 4 kilos calories). Mais lorsque le glucose vient à manquer dans notre corps, ou lorsque qu’un individu effectue un effort à une intensité bien ciblée (aérobie), les acides gras sont alors mobilisés afin de pourvoir aux activités biochimiques aussi quantitatives que variées nécessitées par nos cellules. Plus lentement dégradable qu’1 gr de glucose, mais plus productif en énergie, l’oxydation d’1 gr d’acides gras assurera une synthèse énergétique pouvant libérer 37 Kilos joules (soit 9 kilos calories).
À l’échelle moléculaire, la quantité d’ATP engendrée par la dégradation d’un acide gras dépendra de la longueur de sa chaine carbonée : 4 carbones fourniront 2 acétyl-CoA (chacun engendrant 12 ATP via Krebs et la Chaine respiratoire), 1 FADH2 (engendrant 2 ATP via la Chaine respiratoire), et 1 NADH,H+ (engendrant 3 ATP, là encore via la Chaine respiratoire). 6 carbones fourniront 3 acétyl-CoA, 2 FADH2, et 2 NADH,H+. À noter que chaque acide gras nécessitera 2 ATP pour son activation en acyl-CoA.
Ainsi, la dégradation d’un acide gras palmitate (C16, pour 16 carbones) fournira à la cellule 129 ATP : 96 ATP via les acétyl-coA + 35 ATP via les coenzymes réduits -2 ATP pour son activation. La dégradation d’un acide gras caproïque (C6) fournira quant à elle 44 ATP.
De par leur capacité de stockage en triglycérides, et notamment en acides gras (saturés), nos adipocytes (tissus adipeux) sont parfaitement prédisposés pour assumer nos besoins énergétiques : ils constituent la réserve d’acides gras la plus conséquente de notre organisme, de quelques kilos à plusieurs dizaines de kilos selon l’IMC des personnes (Indice de Masse Corporelle).
Le processus qui vise à déstocker notre tissu adipeux de ses acides gras afin de synthétiser de l’ATP s’appelle la Lipolyse adipocytaire (la lipolyse s’attaque également aux TG non-adipeux). Et les processus permettant de transformer les acides gras en énergies s’appellent la Bêta oxydation et la Cétogenèse.
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La Lipolyse adipocytaire
Une hypoglycémie ou un effort prolongé engendre un manque de substrats énergétiques, ce qui stress l’organisme, et notamment le système sympathique. Cet état stimule l'hypothalamus, qui lui-même enverra des messages hormonaux à l’hypophyse, une glande située à la base du cerveau et qui commande bon nombre des autres glandes de l’organisme. Désormais stimulée, l’hypophyse envoie à son tour des messages hormonaux dans l’organisme afin de commander la libération d’hormones, et dans le cas présent des catécholamines (adrénaline et noradrénaline). Ces dernières sont sécrétées par le système nerveux central (action neurotransmettrices des catécholamines) et par les médullosurrénales des glandes surrénales (adrénaline libre).
Adrénaline (aussi appelé épinéphrine) et noradrénaline vont aller exciter les récepteurs adrénergiques bêta-1 et 3 des adipocytes, ce qui engendre dans l’adipocyte la formation d’AMP cyclique (AMPc). Le glucagon (sécrété par le pancréas selon l’état de la glycémie) est une hormone qui engendre également la formation d’AMPc lorsque les récepteurs au glucagon des membranes adipocytaires sont stimulés.
La présence d’AMPc entraine l’activation de la Protéine Kinase A (PKA). Cette dernière va phosphoryler les périlipines (protéines recouvrant un triglycéride) qui vont donc se détacher du triglycéride, permettant sur ce dernier l’action de l’enzyme triglycéride lipase adipocytaire (ATGL). L’ATGL va hydrolyser le TG en un acide gras et un diglycéride, lui-même hydrolysé à son tour par la lipase hormono-sensible (LHS), devenue active grâce à la PKA qui l’a phosphorylée. Le diglycéride va ainsi devenir un acide gras et un monoglycéride. Enfin, l’enzyme lipase mono-acylglycéride (LMG) terminera la lipolyse en divisant le monoglycéride en 1 acide gras et 1 glycérol.
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La Bêta oxydation, et le Cycle de Krebs
Une fois rejetés dans le sang, les glycérols sont captés par le foie pour y être re-métabolisés en glucose (= néoglucogenèse), alors que les acides gras, eux, sont captés par les cellules nécessiteuses en énergie (notamment les muscles). Une fois la membrane traversée (très facile car un acide gras est liposoluble) l’enzyme acyl-CoA synthétase active dans le cytosol les acides gras en acyl-CoA (des coenzymes acides).
Les acyl-CoA issus d’acides gras à chaîne courte pénètrent tout seul dans les mitochondries pour ensuite aller s’y faire oxyder, alors que les acyl-CoA issus d’acides gras à chaine moyenne ou longue ont besoin de se lier à une navette (la carnitine) pour traverser la membrane mitochondriale. Dans ce dernier cas de figure l’acyl-CoA se lie à une molécule carnitine sous l’effet de l’enzyme CAT1 (carnitine acyl-transférase 1), elle-même fixée sur la paroi mitochondriale externe. Le nouveau composé ainsi appelé acyl-carnitine va désormais pouvoir pénétrer dans l’espace intermembranaire mitochondrial, puis ressortir dans la mitochondrie via une protéine transmembranaire CACT (carnitine acyl-carnitine translocase). Une fois arrivé dans la mitochondrie, l’acyl-carnitine se redivise en acyl-CoA et en carnitine sous l’effet de l’enzyme CAT2 (carnitine acyl-transférase 2), elle-même fixée sur la paroi mitochondriale interne. La carnitine retraverse en sens inverse la CACT pour retourner vers le cytosol, tandis que l’acyl-CoA va lui se faire oxyder dans la mitochondrie via la bêta oxydation.
La bêta oxydation est un processus dont la mission est de découper la chaine carbonée de l’acyl-CoA en acétyl-CoA. Au terme de quatre réactions biochimiques il ressortira de la β-oxydation divers éléments : des coenzymes réduits (FADH2 et NADH,H+), des ions hydrogène (H+), et bien évidement de l’acétyl-CoA. À noter qu'un manque d'oxygénation de la cellule freinera la Bêta oxydation, car la Chaine respiratoire ne pourra alors libérer suffisamment de coenzymes oxydés (FAD et NAD+), ces derniers servant à la formation des coenzymes réduits.
L’acétyl-CoA va entrer dans un cycle de transformations appelé cycle de Krebs. Ce dernier engendrera de l’ATP, du dioxyde de Carbonne (CO2, qui sera évacué par les poumons), et des coenzymes réduits (NADH,H+ et FADH2). Ces derniers pénètreront dans un autre cycle de transformation appelé Chaîne respiratoire, qui les recyclera par voie de phosphorylation oxydative afin de synthétiser de l’ATP (processus nécessitant de l'oxygène). La Chaine respiratoire rejettera également de l’eau et des coenzymes oxydés. À noter que de son côté le cycle de Krebs fonctionne également en aérobiose, car même s'il n'utilise pas directement de l'oxygène il aura absolument besoin des coenzymes oxydés sortant de la Chaine respiratoire, qui elle nécessite un apport direct d'O2.
Au final, et à partir d’un acide gras (palmitique par exemple), la Bêta oxydation + Krebs + la Chaîne respiratoire auront au total permis la synthèse d'un grand nombre d'ATP, qui seront utilisés par la cellule.
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La Cétogenèse
Dans le cas d’un jeûne très prolongé ou bien d’un régime hypoglucidique, ou encore dans le cas d’un diabète, les acides gras sont en grande partie captés par le foie pour être transformés en corps cétoniques. Les acides gras oxydés dans les hépatocytes produiront de l’acétyl-CoA, enzyme qui sera récupérée par le cycle de Krebs afin de produire de l’énergie. Cependant, selon le degré de captage hépatique en acide gras, l’oxydation de ces derniers peut amener à une surproduction d’acétyl-CoA. Ne pouvant être traités par le cycle de Krebs ces acétyl-CoA serviront à la formation de corps cétoniques via le processus de cétogenèse (exclusivement hépatique) : les enzymes β-cétothiolase puis HMG-CoA synthase vont catalyser la condensation de trois acétyl-CoA, engendrant un acétoacétyl-CoA puis un β-hydroxyméthyl-glutaryl-CoA (HMG-CoA). Ce dernier sera ensuite clivé par l’enzyme HMG-CoA lyase, engendrant un acétyl-CoA et un acétoacétate, ce dernier étant le corps cétonique de base. Toujours au niveau hépatique, une partie des acétoacétates produits pourra être réduit en β-hydroxybutyrate (deuxième corps cétonique) sous l’effet de l’enzyme β-hydroxybutyrate déshydrogénase, ou alors être décarboxylé en acétone (troisième corps cétonique) sous l’effet de l’enzyme acétoacétate décarboxylase.
À noter que le système hormonal influe sur la cétogenèse : d'un côté le glucagon la stimule, alors que d'un autre l’insuline l’inhibe (voir les articles sur les hormones et la glycémie dans la rubrique "Métabolisme-Glucides").
Une fois leur synthèse hépatique effectuée, les corps cétoniques seront libérés dans le sang. L’acétone sera lui excrétée de l’organisme par les poumons, alors que les β-hydroxybutyrates et les acétoacétates seront eux captés par les cellules nécessiteuses. Dans le cytoplasme, un β-hydroxybutyrate redevient un acétoacétate (un coenzyme oxydé NAD+ lui prend deux ions hydrogène). Dans les mitochondries l’acétoacétate est transformé en acétoacétyl-CoA (effet de l’enzyme thiophorase) pour ensuite être clivée en deux acétyl-CoA (effet de l’enzyme thiolase, également appelée acétyl-CoA-acétyltransferase). Les acétyl-CoA engendrés intégreront directement le cycle de Krebs en vue d’alimenter la production énergétique.
En temps ordinaire le cœur et les reins sont les principaux utilisateurs des corps cétoniques acides, mais en période de jeûne ils seront en grande partie captés par le cerveau, car ce dernier ne peut pourvoir à ses besoins énergétiques via la bêta oxydation, donc la cétogenèse lui permet de continuer à fonctionner en cas d’hypoglycémie prolongée. Dans le cas où les corps cétoniques sont trop présents dans le sang (acidocétose = acétonémie > 0,90 mmol/l), l’excédent d’acide cétonique sera excrété de l’organisme via les urines.
À noter que certains acides aminés (leucine, lysine, tryptophane, phénylalanine, et tyrosine) sont également cétoformateurs, leur dégradation libère un squelette carboné qui sera transformé dans le foie en acétyl-CoA ou acétoacétyl-CoA (deux produits alimentant la cétogenèse).
Sachez enfin qu’un jeûne intense et prolongé peut engendrer un empoisonnement à retardement, dans le cas où une personne aurait pendant plusieurs années abusé de médicaments, ou absorbé, par exemple, trop de métaux lourds : les adipocytes sont certes des zones de stockage pour les graisses, mais ils le sont également pour certains déchets qui n’ont pas eu le temps d’être évacués de l’organisme. Dans le cas d’un régime sévère ces déchets seront relâchés dans le sang de façon trop importante et soudaine, empoisonnant alors le sang (pour cette raison, parmi tant d'autres, voilà pourquoi un bon régime est un régime étalé dans le temps).